Bien s’entourer :les meilleurs recours pour la reprise d’une exploitation
Le sujet est crucial en production horticole. Lors d’un atelier « transmission » organisé par la FNPHP, les Ets Dulong-Renaplantes et Desmartis Dordogne ont partagé leurs expériences sur les modes de financement de leur entreprise, en mettant en avant l’importance des professionnels à chaque étape clé.
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Le vécu et parcours des dirigeants influencent directement leurs choix et stratégies de financement. Nous rapportons ici deux situations :
• Nathalie et René De Hoon ont repris en « hors-cadre », c’est-à-dire hors contexte familial, et créé successivement trois entreprises. La troisième expérience (pour Dulong-Renaplantes) a été menée en partie via un contrat de commodat ;
• Patrick Chassagne et Dominique Audy, cadres chez Desmartis Dordogne, ont repris leur pépinière, en particulier grâce à l’accompagnement d’Initiative Périgord.
Reprise hors cadre
Le couple De Hoon a eu le courage et le mérite de s’engager dans trois challenges successifs, en maraîchage et en pépinière.
En 2007, Nathalie et René De Hoon (respectivement française et néerlandais) ont repris une exploitation de choux divers (1,5 ha), kiwis (1,5 ha) et grandes culture (10 ha), avec 15 % de plantes grasses et du buis.
Nathalie n’était pas issue du milieu horticole. Quant à René, de parents maraîchers, il avait obtenu aux Pays-Bas, l’équivalent d’un BTS spécialisé dans la gestion d’entreprise. Durant son parcours professionnel, il a été, entre autres, responsable de production en grandes séries de choux-fleurs et brocolis, 6 ans dans la culture de topiaires de laurier-sauce et buis, 5 ans en kalanchoe sous serres… avant de reprendre sa première entreprise. « L’idée nous est venue petit à petit — à l’époque où je travaillais aux Pays-Bas — lors de multiples séjours en France : j’y voyais plein d’opportunités horticoles, et une grande différence (en faveur de la France) côté prix des terres, climat… Nous avons déménagé en France en mai 2006 et j’ai pu suivre un stage de 40 heures, à l’automne, pour obtenir le statut d’agriculteur ainsi qu’une dotation jeune agriculteur (DJA) de 11 000 €. »
La baisse du marché des choux a conduit les deux exploitants à s’orienter vers l’horticulture ornementale, en gardant les kiwis et les grandes cultures. Dès 2008, la forte demande en buis aux marchés de gros MIN de Toulouse et Aquiflor à Bordeaux, les a incités à créer la SARL Renaplantes à Feugarolles (Lot-et-Garonne – 47) pour le négoce du buis. L’arrivée de la pyrale du buis, en 2013-2014, a laminé le marché. En septembre 2014, les premiers échanges ont eu lieu avec Jean-Michel Dulong, pépiniériste depuis plus de 30 ans à Nérac (47), à 13 km de distance, qui cherchait depuis quelques années à céder son activité. En mai 2016, René De Hoon a racheté cette pépinière ; il y a reconstruit une nouvelle société : la SARL Dulong-Rénaplantes. Grâce au bouche-à-oreille et au pépiniériste cédant, cette reprise/création a pu voir le jour grâce au contrat de commodat : un prêt gratuit à usage de bail, conclu sur 6 ans. Les époux, elle en tant qu’assistante commerciale, lui en tant que gérant, assurent actuellement la gestion de deux entreprises horticoles.
Un partage d’expérience
René a aussi pu obtenir un crédit-vendeur par Jean-Michel Dulong d’environ 250 000 euros, et 150 000 euros pour les mises en culture via le Crédit Agricole. « Laurence Charik, expert-comptable de In-Extenso à Marmande (47) m’a bien aidé dans les démarches ».
De son expérience, René De Hoon tire deux conseils qu’il lui tient à cœur de partager : « pour prévenir les repreneurs afin qu’ils ne fassent pas deux erreurs que j’ai commises :
• il ne faut jamais reprendre une pépinière un 1er mai (la première erreur que j’ai commise), car la baisse des ventes avant l’été manque alors cruellement pour assurer les salaires et les charges. En réalité, une pépinière, il faut la reprendre au 1er février ou au 1er septembre ! C’est vraiment primordial ;
• par ailleurs, il faut utiliser rapidement le montant total des emprunts passés auprès d’une banque, ou si vous n’utilisez pas la totalité, il vaut mieux transférer le restant sur un compte, pour quand vous en aurez besoin. Si vous attendez trop (deuxième erreur pour moi), l’argent risque de ne plus être disponible ».
Et René De Hoon de conclure et regretter : « le contexte actuel est difficile, mais les problèmes sont amplifiés par les aléas météorologiques, et surtout par les délais de paiement : en France, cela peut aller de 30 à 90 jours, alors qu’aux Pays-Bas, c’est 15 jours à un mois au maximum ! L’état (mairies et collectivités) devrait déjà donner l’exemple et appliquer les délais de paiement imposés par la loi.
Desmartis Dorgogne : une reprise par des cadres
Patrick Chassagne, directeur d’exploitation, a témoigné pour les pépinières Desmartis Dordogne : « Les conseils à la transmission ont été le nerf de la guerre pour nous ». Avec son partenaire, Dominique Audy, directeur commercial, ils ont repris le site de Bergerac (24) en 2014. La relance de la sélection variétale a été stratégique pour leur développement (pour en savoir plus : voir Lien horticole n° 940 du 9 septembre 2015). Patrick Chassagne prévient et préconise : « Je peux souligner plusieurs points de vigilance quand on démarre la reprise d’une entreprise.
Il faut s’entourer d’experts, dont les banques – pour les termes spécifiques de langage, et pour l’expertise nécessaire : en tant que producteur, nous n’avons pas tous les codes et/ou le champ lexical bancaire et financier. Il est primordial de faire appel à quelqu’un de confiance qui puisse nous guider au travers du jargon et des acronymes financiers.
Il faut, par ailleurs, bien travailler et bien suivre son Business Plan (BP) : c’est important d’avoir un BP optimal qui fonctionne car, dans la réalité, on est vite en mode dégradé. Par exemple, si le BP est déjà basé sur sept jours de travail de 10 h sans vacances, il est clair que le moindre débordement ne sera pas absorbable ». Il convient également de bien anticiper sur les besoins en fonds de roulement, en particulier pour une pépinière, avec ses stocks énormes (attention aux « mauvais stocks » et aux obligations de destructions), avec ses cycles de culture (de 3 mois à 15 ans pour les pépinières Desmartis).
Anticiper les pertes
Avec les années qui se succèdent entre bons et mauvais résultats, « sur 5 ans, on peut prévoir une année qui va bien, une mauvaise et 3 moyennes ! », constate Patrick Chassagne. Le directeur commercial poursuit ses préconisations : « Il faut prévoir de financer d’éventuelles pertes la première année : par exemple, des investissements non prévus susceptibles de venir plomber le résultat et que les banques ne financeront pas si elles ont déjà beaucoup investi !Mieux vaut clore ses comptes au bon moment (échelonner les factures…), en particulier à cause de la prépondérance de la variation de stock sur le compte de résultat. »
Des experts indispensables
« Il faut gérer un reporting mensuel, pour pouvoir réagir rapidement aux dérives. Il faut suivre en particulier le CA, la main-d’œuvre, la valeur des mises en production et évidement garder un œil sur la trésorerie. »
Pendant 20 ans (jusqu’en 2014), les pépinières avaient été sous actionnariat de la chaîne de jardineries Jardiland. Pour mener leur projet à bien, Patrick Chassagne et Dominique Audy se sont tournés vers trois types de structures :
. pour les conseils financiers : experts-comptables KPMG de Montluçon (03), et le Conseil Social Fidal de Clermont-Ferrand (63) ;
. pour le soutien financier : le Crédit Agricole de Charente-Périgord ;
. pour les soutiens publics locaux, la plateforme lnitiative Périgord : « Elle octroie des prêts personnels aux porteurs de projets, ce qui a été le cas pour nous (voir p. 43). Le département Dordogne et la Région Aquitaine (Nouvelle Aquitaine depuis) nous ont accordé des avances remboursables. La Communauté d’Agglomération Bergeracoise nous a fait bénéficier d’une subvention d’équipement.Le financement de la reprise s’élève à plus de 2 millions d’euros. Outre les avances remboursables des collectivités, nous avons fait appel à l’emprunt bancaire. Nous n’avons bénéficié d’aucune aide à l’installation ».
Odile MaillardÀ noter : les pépinières Desmartis représentent 1,3 million de plantes mises en production chaque année (arbres et arbustes d’ornement et le Lagerstroemia en spécialité), 9,5 millions d’euros de chiffre d’affaires (plus de 90 % en plantes en pots), 98 équivalents temps plein (ETP), 300 ha de production et 75 % de clients dans la distribution spécialisée.
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